C'est en plein Grand bleu à plusieurs
miles au large de la Guadeloupe que l'on observe cachalots, baleines,
orques naines et dauphins. Ce matin nous croisons la route d'un
cachalot d'une douzaine de mètres. Espérant qu'il
ne sonde pas, je me glisse à l'eau et nage à sa
rencontre...
-
- Texte et photos Jean-François
Vibert
-
- D'un coup, l'énorme masse
sombre apparaît à une cinquantaine de mètres
devant moi. Je m'essouffle en nageant vers elle, mon rythme cardiaque
s'emballe. En dessous, mille mètres de bleu parfaitement
pur, je me sens comme un moucheron tombé à la surface
de l'océan. Soudain le cétacé change de
direction et se tourne vers moi. Inutile de palmer davantage.
-
-
-
- Me reviennent alors les conseils
de Renato Rinaldi, le spécialiste qui m'a entraîné
dans cette aventure : « Ne cherche pas à t'approcher
de l'animal, seulement s'il le veut bien, c'est lui qui viendra
à toi ».
-
- Je ne réalise
pas encore vraiment ce qui m'arrive. Je me dis que je suis vraiment
trop près et j'essaye de nager doucement en arrière.
|
- Au bout de quelques
minutes j'ai réussi à calmer ma respiration...
et décide de voir de quoi ça à l'air vu
d'en dessous !
|
-
- Et c'est justement ce qui se
passe : ce jeune mâle d'une douzaine de mètres vient
à ma rencontre. Trente mètres, vingt mètres,
dix mètres, ça nage vite un cachalot. Mais bon
sang, il me fonce dessus !
-
- Soudain le voilà
qui remonte du fond en tournant la gueule dans ma direction !
Que va-til faire ?
|
- L'énorme
masse se déplace avec grâce et sans efforts apparents.
Pourtant sa vitesse est assez rapide, d'un imperceptible mouvement
du corps il va bien plus vite que moi quand je palme de toutes
mes forces.
|
-
- Immobile sur la trajectoire
du cétacé, je ne sais quoi faire. Il s'arrête
enfin, deux petits mètres me séparent de ses trente
tonnes. Il peut arriver n'importe quoi maintenant. C'est alors
qu'une série de clic-clic rapides et puissants résonne
dans mes oreilles, il s'agit de son système d'écholocation
qui porte à des dizaines de kilomètres. Peut-être
dit-il bonjour en langage cachalot. Comment répondre ?
J'allume le flash de mon appareil photo sous-marin qui émet
trois bips sonores. J'appuie sur le déclencheur A mon
grand soulagement le plus formidable prédateur vivant
sur cette planète ne semble pas dérangé
par les éclairs du flash.
Listent
to the sound of spermwhale
-
- Frustrant de
ne pouvoir utiliser de bouteilles lors d'une telle rencontre...
|
- Seule la partie
avant de l'animal (jusqu'à la bosse dorsale) est visible
en surface.
|
-
- Je n'ai pas peur. Mais j'ai
les guiboles en compote. La veille au soir, j'ai lu que l'on
avait retrouvé dans le ventre d'un cachalot un requin
de 2 mètres de long, avalé d'un coup Pourtant on
sait que les repas habituels des cachalots sont plutôt
constitués de calmars géants qu'ils vont chasser
jusqu'à mille mètres de profondeur. Allons ! Tant
qu'on ne les embête pas, les cachalots n'attaquent pas
les plongeurs. Nous ne sommes plus au temps de la chasse à
la baleine, époque à laquelle ils vendaient chèrement
leur peau envoyant par le fond chaloupes et marins. Malgré
moi je revois un de mes livres d'enfant, Moby Dick, dont la couverture
représentait une baleinière fracassée par
un cachalot blanc.
-
- Le principe
est de se déplacer pour obtenir le meilleur écho
possible avec l'hydrophone. Puis il faut attendre que le cachalot
remonter et souffle.
|
- Alors que je
plonge à une dizaine de mètres pour le photographier
d'en dessous... Il décide m'accompagner et se laisse couler
lui aussi ! A bout de souffle je remonte... et le voilà
qui fait surface à son tour, probablement un peu frustré
de ne pouvoir me faire faire le tour du propriétaire !
|
-
- « Attention Jeff, t'es
trop près, éloigne toi ! ». La-bas, Rénato
s'agite sur le hors-bord. Je repense à ses consignes de
sécurité, « S'il fait des bulles ou s'il
ouvre la mâchoire, c'est qu'il est énervé.
Dans ce cas, reviens d'urgence au bateau, car on ne sait pas
comment il pourrait réagir ». Voilà pourquoi
on ne plonge pas en bouteilles pour observer les cachalots, ils
détestent les bulles, probablement signe d'agressivité
entre eux. « Ils peuvent aussi avoir des coups de folie,
m'a-t-il expliqué, je me souviens d'un gros mâle
qui voulait poser sa tête sur l'arrière du hors-bord.
Avec ses quarante tonnes, il a bien failli me faire chavirer
».
-
- Mobydick nage
sur le ventre... ou sur le dos ! Ce qui nous permet d'observer
sa mâchoire toute en longueur.
|
- Une attitude
classique des cachalots : placés verticalement ils sortent
le tête de l'eau pour observer !
|
-
- A regret, je palme un peu de
côté pour m'éloigner. De toute façon
il faudra bien que je recule pour le prendre en photo, car, à
cette distance, il ne rentre même pas dans le cadre. Pas
de bulles, pas de mouvement de mâchoires, tout va bien...
Il ne me quitte pas de l'oeil. Alors que j'essaye de le contourner,
il tourne sa tête dans ma direction. Je prends une longue
inspiration et plonge à dix mètres sous la surface
pour le photographier d'en dessous. Surprise : lui aussi se laisse
couler, comme s'il avait décidé de m'accompagner
pour une chasse aux calmars dans les abysses !
-
- Le cachalot
ne possède qu'un seul évent situé sur le
côté gauche de sa tête, c'est par là
qu'il respire.
|
- A quelques mètres
du cachalot je peux même sentir l'air expulsé par
son évent : une odeur très... marine !
|
-
- Incroyable : il est en train
de me tourner autour. Le cétacé plonge, se retourne
sur le dos et passe deux mètres sous moi provoquant des
remous très perceptibles. Je suis au-dessus de sa gueule
qui mesure presque deux mètres, puis son ventre défile
sous mes palmes et me voilà surplombant sa nageoire caudale
dont un seul coup pourrait me tuer. Je refais une apnée
et le ballet sous-marin recommence. Confiant, le cachalot s'approche
de plus en plus près. C'est alors que j'entends Renato
démarrer son moteur, visiblement tendu. Pourtant je me
sens en parfaite sécurité, oserais-je dire : en
harmonie avec mon nouveau copain.
-
- Vue d'en dessous
le cachalot avec sa grosse tête carrée ressemble
à un sous-marin nucléaire !
|
- En guise d'adieu
le cachalot montre sa caudale au moment de sonder. Il fera surface
dans 40 minutes.
|
-
- Comme mon film est terminé,
je me rapproche de l'embarcation avec l'idée de recharger
l'appareil photo. Renato me tend le bras et m'aide à monter
à bord. À ma grande surprise, il m'annonce que
27 minutes viennent de s'écouler. Réalisant ce
qui vient de m'arriver, je me sens soudain complètement
épuisé et j'ai beaucoup de mal à changer
mon film. Pendant ce temps, le cétacé s'est déjà
éloigné vers le large, peut-être alerté
par le chant d'un congénère. Il semble décidé
à nous fausser compagnie, inutile de chercher à
le suivre. Ultime récompense, il nous salue de sa nageoire
caudale, avant de sonder vers les abysses.
-
- Relief d'un
repas de cachalot : ce reste de poulpe (ou de calmar) retrouvé
flottant à la surface en plein océan.
|
- Renato Rinaldi
écoute et enregistre le chant des cachalots grâce
à un hydrophone.
|
-
 Késako
un cachalot ?
Un cachalot est un mammifère marin autrement dit un cétacé.
Les cétacés sont classés en deux ordres
bien distincts : les Odontocètes qui possèdent
des dents (cachalots, bélougas, dauphins, orques, marsouins)
et les mysticètes (baleines) qui sont équipés
de fanons pour filtrer plancton et petits poissons.
-
- Les cachalots mâles peuvent
mesurer jusqu'à 18 mètres et peser 57 tonnes. Ils
possèdent 18 à 25 dents, peuvent plonger jusqu'à
45 minutes et entre les plongées se reposent en surface
de quelques minutes à une heure. Ils détiennent
le record absolu de profondeur : des scientifiques ont enregistré
une immersion à moins 2250 m ! On les rencontre dans toutes
les mers du globe, l'espèce n'est plus en danger car la
chasse au cachalot à été interdit en 1982.
-
- Les cachalots communiquent entre
eux et se repèrent grâce à un système
d'écholocation : ils émettent des clics sonores
très puissants sur une très grande amplitude de
fréquence. C'est en localisant l'origine de ces clics
grâce à des hydrophones que l'on parvient à
les approcher. Il suffit ensuite d'attendre qu'ils remontent
à la surface au moment de respirer pour apercevoir leur
souffle visible parfois de très loin.
-
Listent to the sound of spermwhale
-
- Combats colossaux dans les
Abysses
- A gauche, l'impressionnante
machoire d'un cachalot sur lequel on a retrouvé les traces
caractéristiques d'enormes tentacules de calmar. Taille
estimé du céphalopode à partir du diamètre
de ses ventouses : 25 mètres. Il faut dire que le cétacé
était lui même... très fort en gueule !
-
- A droite un
authentique spécimen échoué d'Architeuthis
de taille modeste mais en parfait état de conservation.
-
- Crédits
photos : inconnus.
|
Cachalots mangeurs de calmars géants
!
-
Et
pourquoi donc les cachalots plongeraient-ils aussi profond ?
Tout simplement pour chasser les calmars géants des profondeurs
(Architeuthis Dux) qui constituent leur repas préféré.
On a ainsi retrouvé sur la peau de certains cachalots
des traces de ventouses énormes qui laissent penser que
des spécimens longs de plusieurs dizaines de mètres
vivraient dans les abysses.
-
- Par ailleurs, il arrivait fréquemment
aux chasseurs de baleines de retrouver dans le ventre des cétacés
des morceaux de tentacules longs de plusieurs mètres.
Prudents, peu de scientifiques osent se prononcer sur la question
tant sont rares les spécimens retrouvés en bon
état. Toutefois les indices de l'existence de ces géants
ne manquent pas, bien qu'il ne subsiste généralement
d'eux que d'informes tas de chair échoués sur les
plages lors de tempêtes (tel monstre de Floride photographié
en 1897).
-
Que
les plongeur se rassurent : il n'ont aucune chance de se trouver
un jour nez à nez avec un tel monstre, tant les profondeurs
auxquelles ils vivent sont abyssales. A quelques 1000 ou 2000
mètres, il règne un noir absolu, la température
n'est que de quelques degrés et la pression colossale,
(ce qui explique peut-être la rareté des cadavres
de calmars géants : leur corps invertébré
ne résisterait pas au changement de pression lors de la
remontée). Visitez ici le site d'une expédition américaine
qui a tenté (sans succès) de filmer Architeuthis
en 1999.
-
- J'ai également collecté
sur cette page
quelques liens consacrés aux calmars géants et
diverses photos étonnantes trouvées sur le net.
|
-
Observez vous aussi les cétacés
en Guadeloupe...
-
- Entre novembre et mai à
bord du catamaran le Catadive, vous pourrez observer les cétacés
entre 5 et 10 miles au large : cachalot, baleine à bosse,
globicéphale tropical, dauphin tacheté pantropical
ou orque naine.
-
- Renato chez
lui près de Bouillante, Toute sa maison construite dans
la forêt est dédiée à sa passion des
cétacés.
|
- A droite, il
me montre le crâne d'une orque naine et à gauche
celui d'un dauphin.
|
-
- L'approche respecte une charte
stricte définie par des organismes de protection des cétacés
afin de ne pas déranger les animaux. Dans ces conditions
il vous sera possible de les observer à quelques dizaines
de mètres seulement. Évidemment hors de question
de vous mettre à l'eau avec les cétacés
(ce genre de privilège est réservé aux scientifiques
ou à des photographes pour les besoins d'un reportage).
-
- Grâce à des hydrophones
et à un matériel pédagogique complet, vous
pourrez écouter le chant des baleines et les clics des
cachalots. La sortie whale watching dure une demi-journée.
Prix de 120 à 240 F.
Centre de plongée Les
heures saines Réserve Cousteau
Le Rocher de Malendure Pigeon. 97132 Bouillante
Guadeloupe
Tél. 0590.98.86.63 Fax. 0590.98.77.76 - http://www.heures-saines.gp - heusaine@outremer.com
-
Infos
voyage : Ultramarina (voyagiste plongée)
Gérard Carnot - 37, rue Saint Léonard BP
33221 44032 Nantes cedex 1
Tél. 02.40.89.34.44. Fax. 02.40.89.74.89 - http://www.ultramarina.com - info@ultramarina.com
-
- Les chances
d'observations de cétacé au cours d'une sortie
de 3 heures entre novembre et mai sont de 90 %.
|
- Un cachalot
curieux s'approche du Catadive qui a éteint ses moteurs.
Les appareils photos crépitent.
|
- Les dauphins
accompagnent le Catadive en jouant sur la vague d'étrave.
|
-
Pour participer à l'étude,
au recensement et la protection des tortues marines et des cétacés
en Guadeloupe :
-
- Outre le recensement des cétacés,
l'association organise des tours de garde nocturnes pour surveiller
les plages ou viennent se reproduire les tortues marines. On
vous fourni tentes, lampes, sac de couchage et divers matériels...
et vous aurez peut-être la chance d'assister à la
ponte de ces véritables fossiles vivants.
-
-
Renato
Rinaldi - Association évasion tropicale.
Courbaril 97125 Bouillante. Guadeloupe FWI
Tél. 0590.57.19.44. Fax. 0590.98.77.76. - evastropic@wanadoo.fr
-
-
-
-
Plongez dans la réserve Cousteau
-
- Autour des îlets Pigeon
dans le cadre enchanteur de la réserve Cousteau, initiez
vous à la plongée ou partez explorer les méandres
sous-marins d'un sanctuaire encore préservé. Tortues
luth, poissons perroquets, barracudas, mérous, carrangues
sont à porté de masque... Sans oublier l'impressionnante
épave du Franjack, devenu au fil des ans le repère
d'une faune multicolore.
-
(cliquez ici pour découvrir le reportage)
- © Jean François
VIBERT - Journalist and photographer - Paris -
-
- Specialised in travels, extrems
sports, leisure activities, adventure trips, outdoor sports,
deserts and mountains... Trekking, ski, snowboard, mountain,
bike, sailing, scuba diving, hiking, in line skating... Texts
and pictures for the press and the web, illustration, digital
photography, reportages...
|
- Journaliste photographe - Spécialiste
des voyages, des sports de glisse, des loisirs, de l'aventure,
de l'outdoor, des déserts, des montagnes. VTT, trekking,
ski, snowboard, parapente, voile, plongée sous marine,
randonnées, roller in line... Textes et photos pour la
presse et internet, illustrations, photographie numérique,
reportages...
|
|
|
|